vendredi 13 février 2015

Dilemme à propos de la pudeur et d'une robe lors d'une séance photo



Noelle Pikus-Pace, a été championne du monde en 2005 et médaillée d’argent au JO de Sotchi en 2014 en skeleton. Elle est membre de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours.




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Quand on lui a demandé de porter une robe impudique pour une séance photo dans le but de promouvoir la cause pour la santé du coeur, Noelle Pikus-Pace a dû prendre une décision : porter la robe pour une bonne cause ou s’en tenir à ses standards.
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Avant ma première apparition olympique, j’ai été invitée à assister à un événement éminemment social connu sous le nom de « Sommet des médias ». Cet événement national attire tous les journaux, magazines, émissions de télévision, fondations caritatives et chaines de webdiffusion qui ont un quelconque intérêt pour les sports, la santé ou le fitness. Les athlètes pour lesquels on espère de bonnes performances aux Jeux Olympiques reçoivent des invitations pour y assister, et nous avons été invités à apporter une variété de vêtements à porter tout au long de l'événement. Ils voulaient des vêtements d'entraînement, « du dimanche », vêtements de cérémonie, des articles et équipements de compétition, des tenues «pour sortir», des vêtements d'hiver, puis finalement tout ce qui reste dans votre placard après avoir emballé tous ces éléments.




À l’approche de la fin du sommet, mon assistante m'a expliqué que la plus grande séance photo nous attendait. Il allait y avoir des photographes de Getty Images, NBC, la santé des femmes, la forme Magazine, l'Associated Press, et bien d'autres. Beaucoup de photographes demandaient aux athlètes de montrer leur corps. Ils voulaient voir les muscles et la finesse. Ils applaudiraient et acclameraient les poses des athlètes.

J’ai été poussé vers mon entrevue finale avant cette séance photo, et dès que je suis sorti de l'entrevue dans le grand studio rempli de lumières, de décors et d’accessoires, trois femmes ont attrapé mes valises, les ont ouvertes et ont étalé mes vêtements sur une table. Ils discutaient de ce que je devrais porter pour chaque partie de la prise de vue.
Une autre femme, Diane, a attrapé ma main et m’a poussé vers ce qui semblait être un vestiaire de fortune. Au milieu de ce pandémonium de personnes qui couraient partout, de flashs et de gens qui criaient, un rideau noir était accroché à un poteau pour soustraire quelque peu à la vue du monde la personne en train de se changer. Quand je suis arrivé derrière ce rideau, les trois femmes ont accouru avec mes vêtements et m’ont dit quoi porter et quand mettre chaque tenue.
- Une minute! ai-je entendu quelqu'un crier.
Diane m'a dit que j’allais devoir me changer de nombreuses fois dans les quinze prochaines minutes et que je devais le faire aussi rapidement que possible. Je suis évidemment quelqu’un de compétitif, donc j’ai pris cela comme un défi. Je me suis vite habillé et me suis précipité dehors.
Dès que je suis sorti, on m'a dit de m’asseoir dans un fauteuil et d’agiter des drapeaux.
-Deux minutes avant changement de tenue!
Deux minutes avec les appareils photo volant autour de moi, cliquetant au loin et, soudain, j’étais de retour derrière le rideau pour m’habiller avec mon manteau d’ hiver et mon pantalon de neige.

Le même homme a crié "Trente secondes!".

J’ai couru hors de la salle d’habillement et le décor avait déjà changé. On m’a demandé de jouer avec de la fausse neige projetée par une souffleuse.
- Deux minutes! A t’il crié une fois de plus.

J’ai joué dans la neige pendant que l'équipe tournait autour de moi, prenait des photos et m’encourageait à sourire ou à poser avec un « visage rieur ».

Le temps a pris fin et j’ai couru de nouveau dans le vestiaire.
- Une minute ! 

J’ai rapidement enlevé mon équipement d'hiver et me suis glissé dans mon habit de dimanche. L'éclairage a changé, et je me suis retrouvé en train de faire des portraits. Je désirais plus que tout me voir dans un miroir, parce que je savais ma coiffure était un désastre à force de changer mes vêtements tant de fois.
- Vingt secondes avant le changement de garde-robe!

L’appareil photo à cliqueté une douzaine de fois, et j’ai couru derrière le rideau.

Quand je suis entré, Diane m’a tendu une robe.
- Trois minutes!

La robe qu'elle me tendait n’était pas la mienne, et elle a vu mon regard perplexe.
- Toutes les athlètes féminines prennent des photos avec une robe rouge pour soutenir la santé du cœur et pour une vie saine. Ce sera absolument magnifique sur toi.

J’ai pris la robe de ses mains et j’ai observé ce qui était sur le cintre. La robe avait des bretelles ficelles sur les épaules, un décolleté très révélateur à l'avant, et la longueur ne devait pas dépasser la hauteur de mes doigts. J’ai su immédiatement que je ne pouvais pas la porter.

Mais c’était pour une bonne cause, non?
- Deux minutes! a crié l'homme de derrière le rideau.

Après tout, pour un cÅ“ur en santé, allez. C’est une bonne excuse pour se pomponner! J’ai travaillé dur pour obtenir un corps comme celui-là, et je veux le montrer! Tout le monde m’attend. Que vais-je dire? Je serais la seule athlète à ne pas le porter!

Quand est venu le moment, cependant, porter la robe ou non, a été une décision très facile pour moi, parce que j’avais déjà choisi de me présenter comme un témoin de Dieu "en tout temps, en toutes choses, et tous lieux" (Mosiah 18: 9).

J’avais décidé il y a longtemps que je ne laisserais pas la vision et les attentes du monde déterminer qui je suis ou ce que je fais. Ce que je porte est un symbole de qui je suis et comment je me sens moi-même. J’ai redonné la robe à Diane et lui ai dit :
- Je veux être pudique. C’est ce que je suis, et je suis désolé mais je ne peux pas porter ça.

Je m’attendais à la voir rouler des yeux et essayer de me convaincre de la porter, mais elle m'a surpris.
- Oh, ma chérie, je suis une bonne chrétienne et je comprends et respecte complètement tes croyances. Trouvons quelque chose d'autre à porter.

J’étais à la fois choquée et exaltée par sa compréhension et son soutien.

L'expérience m'a rappelé une citation de Thomas S. Monson: «Au fil de notre vie quotidienne, il est presque inévitable que notre foi soit attaquée. Nous pouvons parfois nous trouver entourés de gens et pourtant faire partie de la minorité ou même être seul dans notre point de vue sur ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Avons-nous le courage moral de défendre fermement nos croyances, même si, ce faisant, nous devons être seul ? » (« Ne craignez pas d’être seul », Conférence générale octobre 2011, session de la prêtrise, ndt)

Il a également déclaré : « Soyez celui qui défend le bien, même si vous êtes le seul à le défendre. Ayez le courage moral d’être une lumière que les autres suivront. Nulle amitié n’est plus précieuse qu’une conscience pure, qu’une pureté morale. Et quel magnifique sentiment que de savoir que vous êtes à la place qui vous est désignée, pur et habité par la confiance que vous êtes digne de l’occuper ! » (« Exemples de droiture », conférence générale avril 2008, session de la prêtrise ndt)

Ce bref moment dans le vestiaire a été un test de mes croyances. Je me suis sentie validée en réalisant que j’avais été en mesure et j’avais eu la volonté de rester seul, et cela m'a donné de la force. Cela a depuis augmenté mon courage de m’éloigner de situations dans lesquelles je ne me sens pas à l'aise ou de changer une conversation que je sens ne pas être appropriée. Trouvez votre courage, et osez vous tenir seul pour ce que vous croyez.

Diane a fouillé profondément dans une boîte de vêtements et a trouvé une robe qui n’était certainement pas très flatteuse, mais qui était pudique. Je peux encore trouver des photos de moi portant cette robe sur internet, et je grince des dents à chaque fois quand je vois son style. Mais cela me rappelle également autre chose. Ce que je porte ne définit pas qui je suis. Je sais qui je suis et ce que je représente indépendamment de ce que le monde fait ou de ce que les gens disent ou pensent autour de moi. Je n’ai pas besoin ni envie d’attirer l’attention en montrant mon corps. Il est sacré pour moi.

Quatre ans plus tard, j’ai assisté au même sommet des médias, qui s’est tenu au même endroit. Au cours des interviews et des séances de photos, je suis arrivé à une situation similaire à celle dont je me souvenais. Je suis entré dans une très grande pièce pleine de flashs, de cris et de photographes partout.

Lorsque j’ai passé la porte une femme m’a pris la main et m'a donné un gros câlin. C’était Diane.
- Je me souviens de toi! Tu es la bonne chrétienne. Nous n’avons pas de vêtements impudiques à te faire porter cette fois.

Cela a amené un sourire sur mon visage, non seulement parce que j’avais défendu mes convictions, mais aussi parce que j’avais laissé une impression positive sur quelqu'un d'autre.


Noelle Pikus-Pace est l’auteur de « Focused ».

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